Plongée dans le son : Découvrez l’installation immersive qui transforme une œuvre de la Renaissance au Palais de Tokyo

Immersion sonore au Palais de Tokyo : l’installation « The Forty Part Motet » de Janet Cardiff #

Une relecture spatiale du « Spem in Alium » de Thomas Tallis #

Le projet “The Forty Part Motet” se fonde sur une relecture spatialisée du Spem in Alium, œuvre pour quarante voix écrite par Thomas Tallis, compositeur anglais du XVIe siècle et figure majeure de la musique de la Renaissance. L’installation repose sur une disposition elliptique de quarante haut-parleurs, chaque dispositif diffusant la piste enregistrée d’un chanteur distinct issu de l’enregistrement d’un véritable chœur professionnel contemporain. Ce choix technique, rare et complexe, permet de souligner la structure polyphonique sans précédent de la pièce originale, composée en 1573 pour huit chœurs disposés en cinq voix chacun.

En recréant la distribution spatiale imaginée jadis pour la Chapelle Royale de Londres et adaptée au contexte brut du Palais de Tokyo, Janet Cardiff offre au public une immersion inouïe dans la matérialité du son. Chaque visiteur circule librement entre les haut-parleurs, percevant avec une netteté saisissante la singularité de chaque voix, les interactions polyphoniques et les mouvements du motif musical. Cette configuration fait émerger des détails inédits de l’écriture de Tallis, dévoilant les micro-interactions entre pupitres et transformant l’écoute collective en une mosaïque d’expériences individuelles.

  • Quarante haut-parleurs disposés en ellipse, chacun diffusant une voix isolée
  • Restitution fidèle de la structure polyphonique à huit chœurs
  • Mise en valeur du mouvement sonore à travers l’espace, perceptible lors du déplacement du public

L’art sonore comme expérience physique et sculpturale #

Si l’audition musicale classique privilégie la frontalité du concert, Janet Cardiff bouleverse ce paradigme en transformant l’écoute en expérience sculpturale et immersive. La spatialisation des quarante voix enveloppe littéralement les spectateurs, qui traversent un paysage sonore mouvant où la musique se matérialise dans l’espace. Les techniques de prise de son multipiste et l’architecture du Palais de Tokyo contribuent activement à faire de l’œuvre une véritable sculpture acoustique, où chaque angle d’écoute propose une texture sonore différente.

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Cette approche sensorielle dépasse l’écoute passive : la répartition des voix, la résonance des volumes architecturaux et la dynamique des déplacements induisent chez chaque visiteur une perception physique des ondes, du souffle et de la présence humaine. La musique ne se limite plus à un objet sonore, elle devient un environnement à arpenter, une matière à ressentir. Les variations de timbre, de puissance et de spatialisation créent un effet d’enveloppement sonore rare dans les installations muséales contemporaines.

  • Spatialisation des voix pour un effet immersif total
  • Transformation de la perception sensorielle par l’interaction architecture/son
  • Apparition d’une “sculpture acoustique” où la frontière entre art visuel et art sonore s’estompe

Un dispositif interactif : le spectateur au cœur de l’œuvre #

Contrairement à la posture frontale imposée lors d’un concert traditionnel, l’installation de Janet Cardiff place le visiteur au centre d’un dispositif interactif. Selon l’emplacement choisi, l’écoute de l’œuvre varie radicalement : à proximité d’un haut-parleur, la singularité d’une voix — soprano, alto, ténor, baryton ou basse — s’impose et permet d’entendre les respirations, les hésitations, l’humanité du chanteur.

En se déplaçant, le public compose son propre parcours, générant de multiples combinaisons de timbres et de dynamiques. Chaque déplacement devient un acte d’interprétation personnelle, une immersion dynamique où l’œuvre ne se livre jamais deux fois de la même manière. Cette liberté place le visiteur en position d’acteur : il ne subit plus la musique, il la traverse, l’explore, la recompose.

  • Exploration active : chaque position dans l’espace génère une expérience unique
  • Diversité des points de vue auditifs proposés
  • Transformation du visiteur en acteur de l’écoute et non simple spectateur

Janet Cardiff : pionnière des installations audio immersives #

Considérée comme l’une des figures majeures de l’art sonore contemporain, Janet Cardiff, née en 1957 au Canada, s’est imposée dès la fin des années 1990 comme une innovatrice des dispositifs immersifs. Son parcours est marqué par une exploration constante de la relation entre son, espace et narration. Sa collaboration avec George Bures Miller — artiste et ingénieur du son — a donné naissance à des œuvres majeures présentées lors de la Biennale de Venise 2001 et, plus récemment, dans les institutions telles que le 21st Century Museum of Contemporary Art, Kanazawa (2017, 2025).

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Le duo Cardiff & Bures Miller propose de véritables environnements multisensoriels où la frontière entre réel et fiction s’efface au profit d’une expérience auditive incarnée. Leur projet vise à engager l’auditeur dans une narration ouverte, où le récit se construit au fil des pérégrinations dans l’espace de l’œuvre. La reconnaissance internationale de Janet Cardiff s’appuie sur sa capacité à conjuguer technologies de pointe et puissance émotionnelle de la voix humaine.

  • Janet Cardiff, figure clé de l’art sonore, représentante du Canada à la Biennale de Venise 2001
  • Collaboration avec George Bures Miller pour des installations immersives acclamées
  • Présence dans les collections du 21st Century Museum of Contemporary Art, Kanazawa, musée phare de l’art contemporain asiatique

L’influence du contexte architectural du Palais de Tokyo #

Le choix du Palais de Tokyo, Paris, lieu emblématique de l’art contemporain fondé en 2002, confère à l’installation un rayonnement particulier. La monumentalité brute, les volumes ouverts et la résonance propre à l’architecture de béton agissent comme caisse de résonance, participant à la mutation continue du motif musical. L’espace n’est plus un simple contenant, il devient acteur de l’œuvre, modifiant la perception selon la densité de public, la réverbération ou encore la lumière ambiante.

Cette hybridation entre l’acoustique du lieu et la technologie immersive déployée par Janet Cardiff fait émerger une écoute renouvelée. Le dialogue entre l’installation et le bâti patrimonial provoque des effets d’échos, des modulations sonores inattendues, accentuant la sensation d’enveloppement et d’intimité collective. La diversité des configurations dans lesquelles “The Forty Part Motet” a été installée, du Metropolitan Museum of Art, New York à la Fuentidueña Chapel, témoigne de l’importance du contexte architectural dans la réception de l’œuvre.

  • Effets acoustiques spécifiques générés par l’architecture monumentale du Palais de Tokyo
  • Co-création entre l’œuvre et son contexte spatial, rendant chaque exposition différente
  • Dialogue entre technologie contemporaine et patrimoine architectural du XXe siècle

Un dialogue entre patrimoine musical et création contemporaine #

L’œuvre “The Forty Part Motet” s’inscrit dans une démarche de réactivation du répertoire ancien par l’innovation technologique. En choisissant Spem in Alium, sommet de la polyphonie anglaise écrit en 1573, Janet Cardiff pose la question de la transmission des œuvres patrimoniales dans un contexte muséal. Par la spatialisation, l’œuvre ancienne acquiert une vie nouvelle, invite à une écoute active et renouvelle la perception du patrimoine musical, souvent confiné aux salles de concert ou aux enregistrements traditionnels.

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Cette hybridation des temps et des techniques ancre la pratique de Cardiff dans le champ de la création sonore contemporaine tout en rendant hommage à la virtuosité et à la modernité du langage de Tallis. Le projet interroge les modes de circulation, d’appropriation et de ré-interprétation de la musique ancienne à l’ère numérique, offrant un exemple manifeste du potentiel créatif des intersections entre technologie et patrimoine.

  • Dialogue direct entre polyphonie de la Renaissance et art sonore du XXIe siècle
  • Réinterprétation vivante et technologique d’un chef-d’œuvre du répertoire choral
  • Questionnement sur la mémoire musicale et la transmission dans les nouveaux espaces culturels

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