Musée des Arts et Traditions Populaires : Plongée unique au cœur du patrimoine vivant #
Origines et fondation d’un musée pionnier #
La genèse du Musée national des Arts et Traditions Populaires s’inscrit dans le contexte de l’Exposition universelle de 1878 à Paris, événement qui révèle au grand public l’attrait pour les objets issus des sociétés rurales européennes. Cet engouement conduit, l’année suivante, à l’ouverture du musée d’Ethnographie du Trocadéro, précurseur des structures dédiées à l’ethnologie en France. En 1884, une salle de France rassemble pour la première fois des costumes traditionnels et des intérieurs paysans collectés par Armand Landrin, marquant un tournant vers la reconnaissance du folklore et des arts populaires.
L’impulsion décisive provient des figures de Paul Rivet, directeur du musée d’Ethnographie du Trocadéro à partir de 1928, et de son adjoint Georges-Henri Rivière, muséographe visionnaire. Leur volonté de relier la recherche ethnographique à la présentation publique aboutit à la création officielle, le 1er mai 1937, d’un département des arts et traditions populaires dans l’enceinte du Palais du Trocadéro (futur Palais de Chaillot). Ce décret, signé par Albert Lebrun, Président de la République, et impulsé par Jean Zay, ministre de l’Éducation et des Beaux-Arts, confie la direction du département à Georges-Henri Rivière. Dès l’origine, l’objectif affiché est de valoriser, étudier et transmettre les cultures populaires dans une perspective scientifique et pédagogique inédite.
- Exposition universelle de Paris, 1878 : révélation du potentiel patrimonial des objets populaires.
- Paul Rivet (directeur), Georges-Henri Rivière (muséographe) : figures majeures du mouvement ethnographique.
- Décret du 1er mai 1937 : fondation administrative et scientifique du musée.
Collections emblématiques et diversité ethnographique #
Le MNATP a bâti une collection remarquable par sa richesse et sa diversité, qui dresse un panorama vivant de la société française traditionnelle, majoritairement rurale et artisanale, du XIXe siècle jusqu’aux années 1960. On y recense plus de 250 000 objets, chacun portant la trace d’un usage quotidien, d’un rituel ou d’un métier. Des meubles domestiques issus de la Bourgogne, des outils agricoles du Limousin, des costumes régionaux du Pays basque, des objets artisanaux provenant de Bretagne ou du Massif central, illustrent la diversité ethnique, culturelle et géographique de la France.
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La volonté d’embrasser toutes les formes de l’art populaire se manifeste par un élargissement progressif des collections. Dès les années 1950, le musée s’ouvre à l’artisanat urbain, aux arts forains, aux arts du cirque ainsi qu’aux mutations de la société industrielle et des loisirs de masse. La photographie, l’affiche, la chanson, mais aussi les archives orales, prennent place dans cet ensemble, révélant une approche dynamique de la tradition et de la mémoire.
- Mobilier domestique : commodes normandes, buffets vosgiens, lits clos bretons.
- Outils caractéristiques : faucilles du Périgord, métiers à tisser du Nord.
- Costumes traditionnels : coiffe bigoudène, rubans savoyards, broderies alsaciennes.
- Objets de la vie quotidienne : poteries de Vallauris, jouets du Jura, vaisselle de Quimper.
Rôle du musée-laboratoire et innovation muséographique #
Le musée-laboratoire, concept pensé et appliqué dès les années 1930 par Georges-Henri Rivière, marque un tournant dans la muséographie. Il s’agit d’un lieu où la recherche de terrain, la collecte systématique et la restauration d’objets s’articulent avec la mise en scène innovante des collections. Des enquêtes ethnographiques menées dans le Périgord, la Bresse ou le Pays basque, sont à l’origine de reconstitutions d’intérieurs, replaçant chaque objet dans son contexte d’usage. Cette démarche scientifique rigoureuse vise à donner au public une vision complète et compréhensible des mutations sociales et culturelles.
Ce modèle de musée, associant collecte méthodique, documentation exhaustive et scénographie immersive, inspire la muséographie française et internationale. Le musée du quai Branly – Jacques Chirac, à Paris, ainsi que le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) à Marseille, perpétuent cet héritage méthodologique. Le MNATP devient ainsi une référence, non seulement pour la présentation, mais aussi pour l’analyse et la compréhension des sociétés populaires.
- Enquêtes de terrain : campagnes de collecte et d’observation dans les régions françaises.
- Restitution contextuelle : objets exposés dans des décors fidèles à leur cadre d’origine.
- Scénographie immersive : dispositifs multisensoriels, sons d’ambiance, reconstitutions d’ateliers.
Évolution architecturale et transfert des collections #
Installé initialement dans le Palais de Chaillot, le Musée des Arts et Traditions Populaires s’émancipe spatialement en 1969, avec la construction d’un bâtiment moderne réalisé par Jean Dubuisson sur la lisière du Bois de Boulogne, Paris 16e arrondissement. Ce choix architectural est dicté par la nécessité de concevoir des espaces adaptés à l’évolution des collections et à l’accueil d’un public diversifié. Le style moderniste de Dubuisson, reconnu pour la pureté de ses lignes et la fonctionnalité de ses volumes, confère une nouvelle identité au musée.
Après plus de soixante-dix ans d’activité, le musée ferme ses portes au public en 2005. La Ville de Paris, décidée à préserver la mémoire de cet édifice remarquable, confie à Frank Gehry, architecte américain réputé pour la Fondation Louis Vuitton voisine, un projet ambitieux de réhabilitation. Parallèlement, les collections sont transférées au Mucem, où elles enrichissent l’approche comparative du patrimoine européen et méditerranéen. Ce transfert permet d’élargir le spectre des expositions temporaires et des recherches interdisciplinaires.
- Palais de Chaillot : premier site, dédié à l’ethnographie française, jusqu’en 1969.
- Édifice Jean Dubuisson : emblème de l’architecture muséale des années 1970 (6 avenue du Mahatma-Gandhi, Paris 16e).
- Transfert au Mucem : nouvelle vie des collections à Marseille après 2005.
- Projet Frank Gehry (2020-2026) : restitution de l’esprit d’origine, création d’espaces modulaires et dédiés à la médiation.
Transmission, valorisation et réinvention des savoir-faire #
Le Musée des Arts et Traditions Populaires ne se contente pas d’exposer des objets inertes ; il s’engage résolument dans la transmission vivante des gestes, métiers et techniques populaires. Cette mission prend la forme d’ateliers, de démonstrations publiques et de collaborations avec des artisans, compagnons et maîtres d’art, qui témoignent de la vitalité du patrimoine immatériel. Au sein du Mucem, des rencontres avec des boulangers provençaux, des tisserands corses ou des marionnettistes lyonnais font revivre des pratiques ancestrales.
Les dispositifs de médiation sont conçus pour favoriser le dialogue intergénérationnel et interculturel. Des collections audio-visuelles, des recueils de témoignages, des expositions participatives impliquent les visiteurs et les acteurs locaux. Le musée s’inscrit ainsi dans une démarche de patrimoine vivant, où chaque objet, chaque savoir-faire, chaque récit contribue à la réinvention permanente de la culture populaire. À notre sens, cette approche place le musée au cœur des enjeux contemporains liés à la préservation du lien social et à la valorisation des identités locales.
- Ateliers de transmission : vannerie occitane, poterie provençale, chant polyphonique corse.
- Démonstrations publiques : ferronnerie d’art à Arles, fabrication de dentelles au Puy-en-Velay.
- Médiation innovante : recueils de récits, expositions collaboratives, parcours immersifs pour scolaires.
Le Musée des Arts et Traditions Populaires aujourd’hui : enjeux et perspectives #
Face à l’uniformisation culturelle et à la mondialisation, le rôle du Musée des Arts et Traditions Populaires apparaît plus décisif que jamais. La réhabilitation du bâtiment de Jean Dubuisson sous la houlette de Frank Gehry s’inscrit dans une dynamique de renouvellement muséal souhaitant conjuguer tradition et innovation architecturale. Les espaces redessinés permettront de déployer des scénographies interactives, intégrant les outils numériques et les dispositifs immersifs, pour mieux capter l’attention des générations connectées.
Désormais, la préservation du patrimoine populaire exige une réflexion constante sur ses modes de transmission, de valorisation et d’appropriation. L’intégration des collections du MNATP au Mucem consolide le pont entre les cultures de l’Europe et de la Méditerranée, tout en stimulant la recherche pluridisciplinaire sur les phénomènes de création collective. Nous pensons que cette institution, à travers sa capacité à questionner la mémoire, l’identité et les processus de patrimonialisation, suscite chez ses visiteurs une prise de conscience salutaire sur l’importance de l’ancrage culturel.
- Réhabilitation architecturale : projet Frank Gehry, ouverture attendue à l’horizon 2026.
- Nouveaux dispositifs numériques : réalité augmentée, applications mobiles, archives interactives.
- Débats patrimoniaux : restauration des savoir-faire menacés, inclusion des cultures minoritaires, enjeux de mondialisation.
Plan de l'article
- Musée des Arts et Traditions Populaires : Plongée unique au cœur du patrimoine vivant
- Origines et fondation d’un musée pionnier
- Collections emblématiques et diversité ethnographique
- Rôle du musée-laboratoire et innovation muséographique
- Évolution architecturale et transfert des collections
- Transmission, valorisation et réinvention des savoir-faire
- Le Musée des Arts et Traditions Populaires aujourd’hui : enjeux et perspectives