Hasui Kawase : Le Maitre du Paysage Japonais Moderne

Hasui Kawase : Le Maitre du Paysage Japonais Moderne #

L’enfance tokyoïte et l’éveil artistique de Hasui #

le 18 mai 1883 à Shiba, dans un Tokyo en pleine mutation à la fin du XIXe siècle, Hasui Bunjiro grandit au cœur d’une métropole où la modernité côtoie encore les vestiges du vieux Japon. Son environnement familial, marqué par le commerce, n’est pas initialement propice à l’expression artistique. Malgré cette pression, Hasui révèle très tôt un attrait profond pour le dessin et la peinture, nourri par l’observation minutieuse de son quartier et l’admiration pour les maîtres tels que Hokusai et Hiroshige.
Face à la volonté parentale de le voir reprendre l’entreprise familiale, Hasui fait preuve d’une détermination remarquable pour s’orienter vers la voie artistique. L’opposition est telle que le compromis familial ne sera trouvé qu’au moment où sa sœur épouse un employé, permettant à Hasui de se soustraire sans renier ses aspirations créatrices.

  • Enfance urbaine à Tokyo : imprégnation des contrastes entre tradition et modernité.
  • Résistance familiale : affrontement entre devoir commercial et vocation artistique.
  • Naissance d’une vocation : émergence du goût pour l’art malgré les contraintes sociales de l’époque.

Ce contexte initial forge une personnalité à la fois persévérante et attentive aux mutations paysagères, socle qui nourrira toute son œuvre future.

Les maîtres et la formation : influences fondatrices #

Après avoir affirmé sa volonté de devenir artiste, Hasui s’engage dans une double formation, orientée vers le croisement des influences. Il étudie d’abord auprès de Saburosuke Okada, grand spécialiste de la peinture de style occidental, axée sur l’aquarelle et l’huile. Cette première expérience lui offre une solide maîtrise des effets de lumière, de la perspective et de la couleur, éléments qui deviendront la signature de ses estampes.
La rencontre avec Kiyokata Kaburagi, chef de file du nihonga (peinture japonaise moderne), s’avère déterminante. Bien que Kaburagi commence par refuser de former Hasui à cause de son âge, il finit par l’accepter, touché par la ténacité du jeune homme. Kaburagi va orienter Hasui vers l’art de l’estampe, tout en le présentant à l’éditeur Watanabe Shozaburo, figure incontournable du Shin-Hanga, qui jouera un rôle central dans la carrière de l’artiste.

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  • Maîtrise des techniques occidentales avec Okada : travail sur l’aquarelle, l’huile et la gestion de la couleur.
  • Initiation à l’estampe japonaise par Kaburagi : découverte du nihonga et ouverture sur la tradition.
  • Réseau et opportunités : introduction à Shozaburo, point de départ d’une trajectoire internationale.

Au sein de ce réseau cultivé, le dialogue entre tradition japonaise et modernité occidentale incite Hasui à explorer sans relâche de nouveaux horizons artistiques.

L’ascension dans le mouvement Shin-Hanga #

Le début du XXe siècle voit émerger le mouvement Shin-Hanga, mariant l’excellence artisanale de l’ukiyo-e à une sensibilité contemporaine. Hasui se distingue rapidement comme l’un des chefs de file de cette génération, sous la houlette de Watanabe Shozaburo qui, dès 1918, l’incite à se consacrer au paysage, genre alors délaissé.
Le partenariat avec l’éditeur se traduit par une fructueuse collaboration, Hasui bénéficiant de la logistique, du financement et du carnet d’adresses international de Watanabe. Le succès ne tarde pas, ses premières séries d’estampes étant saluées pour leur capacité à « capturer l’âme du Japon » tout en intégrant des techniques narratives et picturales d’avant-garde.

  • Participation au renouveau du paysage : revitalisation du genre par l’intégration d’éléments contemporains.
  • Collaborations éditoriales : dialogue étroit avec les graveurs et imprimeurs pour perfectionner chaque planche.
  • Ouverture internationale : exposition des œuvres dans les salons occidentaux et reconnaissance rapide à l’étranger.

Par son engagement auprès du Shin-Hanga, Hasui incarne un Japon à la fois fidèle à ses racines et résolument tourné vers la modernité.

Technique et style : identité visuelle de Hasui Kawase #

Ce qui frappe avant tout dans l’œuvre de Hasui est l’extraordinaire raffinement technique et la cohérence esthétique des compositions. L’artiste fait de la lumière – qu’elle soit rasante, diffuse, crépusculaire ou nocturne – le véritable sujet de ses paysages. La gestion subtile des couleurs, héritée de l’aquarelle et de l’huile, confère aux scènes une profondeur rarement égalée dans l’estampe japonaise.
La structure de l’image privilégie souvent les vues obliques, les diagonales et les jeux de plans, offrant une perspective dynamique et narrative très évocatrice. Hasui se montre remarquablement attentif aux effets météorologiques : pluie fine, brume matinale, neige épaisse, lune voilée, chaque motif naturel devient un prétexte à explorer la texture, la transparence et la variation chromatique.

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  • Organisation spatiale audacieuse : plans superposés, cadrages cinématographiques, traitement de l’espace.
  • Palette chromatique nuancée : du bleu nocturne au rouge vermillon, chaque couleur reflète une atmosphère spécifique.
  • Valorisation du détail : soin minutieux apporté à l’architecture, la flore, la trame urbaine ou rurale.

L’association de techniques traditionnelles et d’influences européennes positionne Hasui comme un explorateur visuel du Japon moderne, capable d’inscrire l’estampe dans la contemporanéité tout en préservant son pouvoir de suggestion poétique.

Séries iconiques et œuvres majeures #

Certaines séries signées Hasui sont devenues de véritables emblèmes de la représentation du Japon. La série « Vues de paysages japonais » (Nihon Fukei-shu) capture la diversité régionale, de Hokkaido aux îles méridionales, en passant par les temples de Kyôto ou les ruelles de Tokyo. Les « Paysages de la neige » illustrent la poésie silencieuse de villages endormis sous le givre, tandis que les « scènes nocturnes » exploitent les contrastes entre lumière électrique, lune et architectures traditionnelles.

  • « Neige à Zojoji » : temples baignés de blancheur et atmosphère de recueillement.
  • « Soir de pluie à Meguro » : apparition fugace d’un promeneur, jeux de reflets sur le pavé.
  • « Lune au château de Matsumoto » : dialogue entre nature, ruines et clair-obscur lunaire.

Chaque cycle révèle un Japon multiple, à la fois nostalgique et inscrit dans son temps, tout en suivant l’évolution stylistique et la quête incessante de justesse atmosphérique propre à Hasui.

Reconnaissance, héritage et statut de Trésor National Vivant #

La consécration officielle de Hasui intervient en 1956, lorsque le gouvernement japonais lui accorde le titre de Trésor National Vivant, distinction rarissime qui consacre l’importance de son œuvre dans la transmission du patrimoine esthétique national. Cette reconnaissance, intervenue peu avant sa mort en 1957, marque l’apogée d’une carrière déjà saluée par la critique internationale.
Aujourd’hui, les œuvres de Hasui sont conservées dans les plus grands musées, du Tokyo National Museum au Smithsonian à Washington, en passant par le British Museum. Elles sont fréquemment présentées dans des expositions temporaires et font l’objet d’acquisitions majeures lors des ventes d’art asiatique.

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  • Conservation patrimoniale : entrée dans les collections publiques et privées de référence.
  • Transmission aux artistes contemporains : influence revendiquée dans la jeune génération japonaise et internationale.
  • Statut institutionnel : célébration par les institutions culturelles du Japon et à l’étranger.

Le titre de Trésor National Vivant consacre Hasui comme un passeur entre les mondes, à la charnière de deux époques artistiques.

Marché de l’art, expertise et conseils pour collectionner les estampes de Hasui Kawase #

La cote des estampes de Hasui Kawase a considérablement augmenté ces dernières décennies, portée par la demande croissante des collectionneurs européens, américains et asiatiques. Les ventes aux enchères témoignent d’un marché dynamique, où certaines planches atteignent des sommes notables, en fonction de l’état, de la rareté et de la période d’édition.
L’acquisition d’une estampe de Hasui nécessite une vigilance accrue sur l’authenticité. Des critères précis doivent être examinés, tels que la présence du sceau de l’éditeur Watanabe Shozaburo, la qualité du papier Washi utilisé, la justesse de l’impression des couleurs et la finesse de la gravure. Les contrefaçons existent, en particulier sur le marché international.

  • Vérification du sceau d’éditeur et de l’état du tirage : présence du cachet Watanabe, qualités d’impression, absence de restaurations non signalées.
  • Documentation de la provenance : historique des expositions, ventes passées, facture d’origine.
  • Conservation adaptée : exposition réduite à la lumière, stockage à plat, manipulation avec gants pour éviter l’acidité des mains.

Adopter une démarche rigoureuse et s’appuyer sur des experts permet de sécuriser un investissement tout en participant à la préservation d’un pan essentiel de l’histoire visuelle japonaise.

L’empreinte de Hasui Kawase sur l’imaginaire japonais et mondial #

L’influence de Hasui Kawase dépasse le cercle des amateurs d’estampes pour toucher la représentation collective du Japon, tant sur le plan national qu’international. Ses paysages ont contribué à façonner une vision idéalisée, mais profondément sensible, du Japon moderne, où la nature, l’architecture et le climat forment un tout indissociable.
Dans la pop culture, la postérité de Hasui se retrouve dans la bande dessinée, l’animation japonaise ou le cinéma, où ses compositions et sa gestion de la lumière inspirent de nombreux auteurs, à l’image de réalisateurs tels que Makoto Shinkai ou de créateurs de jeux vidéo. L’artiste demeure une référence incontournable pour tout créateur souhaitant restituer la poésie du paysage nippon.

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  • Transmission du vocabulaire visuel : reprises de motifs, cadrages et atmosphères dans la création contemporaine.
  • Enracinement dans l’identité japonaise : renforcement du sentiment national à travers la valorisation des paysages autochtones.
  • Portée mondiale : diffusion des estampes et influence dans la culture visuelle occidentale depuis un siècle.

A notre avis, la force de l’œuvre de Hasui réside dans sa capacité à concilier la nostalgie d’un Japon éternel avec la fascination pour le progrès, créant ainsi un pont esthétique et émotionnel entre deux univers. Son legs, aujourd’hui encore, guide le regard vers la beauté éphémère du monde, incitant à contempler, collectionner et transmettre cet art singulier.

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